La future réglementation européenne FIDA (Financial Data Access) marque une étape importante dans l’évolution de la gestion des données financières en Europe. Elle entend imposer un cadre juridique pour l’ouverture et le partage des données financières, y compris dans le domaine de l’assurance, en s’appuyant sur les principes de l’open insurance. Cependant, cette ambition soulève de vives controverses parmi les professionnels du secteur assurantiel, les régulateurs et les instances représentatives.
Explorons ensemble les arguments pour et contre cette réglementation, en mettant en lumière les positions des assureurs, de l’ACPR, de l’AMICE (Association of Mutual Insurers and Insurance Cooperatives in Europe) et d’autres acteurs clés.
Qu’est-ce que FIDA et pourquoi suscite-t-il des débats ?
FIDA vise à instaurer une transparence accrue dans la gestion des données financières. Inspiré du succès de la directive DSP2 (Directive sur les services de paiement) qui a introduit l’open banking, ce projet ambitionne de transposer ces principes au secteur de l’assurance. L’objectif est de permettre aux consommateurs de mieux comprendre et comparer leurs produits financiers et d’assurance, tout en favorisant l’innovation via une utilisation élargie des données par des tiers.
Cependant, le secteur de l’assurance se distingue du secteur bancaire par des spécificités fondamentales : la mutualisation des risques et l’équilibre des portefeuilles. Ces particularités rendent les assureurs plus prudents face à une ouverture massive des données, qu’ils perçoivent comme un risque pour leur modèle économique et pour la protection des consommateurs.
Quelles sont les réticences des assureurs et leurs arguments ?
- Une menace pour le modèle de mutualisation des risques
Les assureurs craignent que l’accès facilité aux données par des tiers, tels que les assurtechs ou les géants technologiques (GAFA), conduise à une sélection adverse. Ces acteurs pourraient exploiter les données pour cibler uniquement les clients les plus rentables, laissant les risques les plus élevés à la charge des assureurs traditionnels. Cette segmentation excessive mettrait en péril le principe de solidarité, pilier du modèle assurantiel.
- Une concurrence jugée déloyale
France Assureurs quant à lui s’inquiète de l’absence de garde-fous dans le texte FIDA actuel pour limiter l’accès des géants technologiques. Ces entreprises disposent déjà d’un avantage compétitif grâce à leurs vastes bases de données sur les comportements des consommateurs. Si elles intègrent l’écosystème de l’assurance, elles pourraient combiner ces informations avec les données financières pour offrir des produits ultra-personnalisés, évinçant les acteurs traditionnels.
- Un risque de simplification excessive des offres
Un autre argument avancé par les assureurs concerne la simplification potentiellement excessive des offres d’assurance. L’accès direct aux données pourrait inciter certains consommateurs à privilégier des produits basés uniquement sur le prix, au détriment de garanties adaptées à leurs besoins spécifiques. Cela va à l’encontre de la mission de conseil et d’accompagnement des assureurs, d’autant que certains risques majeurs, liés par exemple aux évènements naturels ou aux cyber menaces, ne peuvent se contenter d’une logique unique de prix.
- La sécurité des données personnelles
Enfin, la sécurité et la confidentialité des données sont au cœur des préoccupations. Les assureurs redoutent que l’ouverture des données augmente les risques de cyberattaques et de violations de la vie privée, surtout dans un contexte où les cyber-risques sont en forte hausse.
Qu’en disent les organismes représentatifs de la profession ?
- L’AMICE : une opposition ferme
L’AMICE, qui représente les mutuelles et coopératives d’assurance en Europe, s’est opposée frontalement à FIDA. Elle a récemment demandé à la Commission européenne de suspendre le projet, soulignant que les bénéfices potentiels pour les consommateurs ne justifient pas les risques encourus. L’organisation a également mis en avant le danger pour la stabilité financière des acteurs traditionnels, notamment les petites mutuelles qui pourraient ne pas survivre à cette transformation.
- L’ACPR : une vigilance accrue
Bien que l’ACPR n’ait pas pris de position explicite sur le FIDA, son programme de priorités pour 2025 indique une préoccupation grandissante pour les impacts de l’intelligence artificielle, des cyber-risques et des évolutions réglementaires. Le régulateur reste vigilant face à tout cadre qui pourrait affaiblir la résilience des assureurs ou nuire à la protection des consommateurs.
- Les assureurs traditionnels : des propositions pour encadrer FIDA
France Assureurs propose une série de mesures pour limiter les impacts négatifs de FIDA :
- Interdire l’accès aux données assurantielles aux entreprises en position dominante dans d’autres secteurs (notamment les GAFA).
- Restreindre l’utilisation des données à des acteurs agréés et régulés.
- Garantir un cadre harmonisé pour la sécurité des données à l’échelle européenne.
Quels sont les opportunités et arguments en faveur de FIDA ?
Malgré ces réserves, certains acteurs considèrent FIDA comme une opportunité d’innover. Les assurtechs, en particulier, y voient une chance de transformer le secteur en rendant les produits d’assurance plus transparents et accessibles.
- Une meilleure transparence pour les consommateurs
Avec un accès simplifié aux données, les consommateurs pourraient comparer plus facilement les offres et comprendre les garanties qui leur conviennent le mieux. Cela pourrait également renforcer leur confiance dans le secteur.
- Favoriser l’innovation et la concurrence
L’ouverture des données pourrait stimuler la création de nouveaux produits et services, notamment grâce à des collaborations entre assureurs traditionnels et start-ups.
- Accélérer la transformation numérique du secteur
Pour certains, FIDA pourrait être un catalyseur pour moderniser le secteur de l’assurance et rattraper le retard technologique accusé face à d’autres industries financières.
FIDA : une voie médiane à trouver ?
Le débat autour de FIDA illustre la complexité de trouver un équilibre entre ouverture et protection. Si la réglementation peut offrir des avantages significatifs en termes de transparence et d’innovation, elle ne doit pas fragiliser les fondements du secteur assurantiel.
Les décideurs européens doivent tenir compte des inquiétudes exprimées par les assureurs, l’AMICE et l’ACPR pour élaborer un cadre équilibré. Une approche progressive, avec des garde-fous clairs pour protéger la mutualisation des risques et la sécurité des données, pourrait être la clé d’une transition réussie vers l’open insurance.
Vous souhaitez former vos équipes à l’évolution des nouvelles réglementations numériques liées à l’assurance, à la résilience opérationnelle, ou encore à l’open insurance ?
Plusieurs de nos modules e-learning et classes virtuelles correspondent à ce besoin.